Bruxelles, le 28 février 2018

Note à l’attention de M. Günther OETTINGER  

Commissaire en charge du Budget et des Ressources humaines

Objet :  Décisions du collège du 21 février concernant l’encadrement supérieur de notre institution

Dans le cadre du dialogue franc et ouvert avec la représentation du personnel que vous avez tenu à établir, nous nous permettons de soumettre à votre attention les questions et les demandes de clarification suivantes relatives aux récentes nominations dans l’encadrement supérieur.

En premier lieu, il est rassurant de constater l’absence de toute nomination externe : la quasi-totalité des collègues qui ont été nommés disposent d’une expérience consolidée au sein de notre institution et avaient déjà assumé des responsabilités de gestion importantes au sein d’une Direction générale. En effet, par le passé, des nominations par procédure externe sur des postes de Directeur général de personnes ne disposant d’aucune expérience et connaissance interne de notre institution ont eu des effets désastreux pour le bon fonctionnement des services et, ceci, au plus grand détriment des attentes légitimes de carrière de nos collègues.

En deuxième lieu, nous avons apprécié que, pour la première fois, des collègues bulgare et chypriote aient été nommés sur ces postes à responsabilité importante.

En troisième lieu, nous notons les efforts déployés en faveur d’un meilleur équilibre dans la répartition homme/femme concernant les postes d’encadrement supérieur.

Il y a cependant des aspects critiques qu’il est urgent de clarifier:

Les décisions du 21 février ont suscité de nombreuses interrogations que nous vous soumettons afin de disposer de vos clarifications et de vos réponses.

1. Pourquoi ces nominations ont-elles été traitées dans le plus grand secret ?

En effet, comme confirmé par de très nombreux articles parus dans la presse ainsi que par les informations qui nous ont été transmises par les collègues parmi lesquels des membres de cabinet, tout le processus à la base de ces nominations aurait été géré dans le plus grand secret, mettant les membres du collège et leurs cabinets devant le fait accompli. Nous ne pouvons pas croire que, comme indiqué par plusieurs journalistes, en dépit de vos responsabilités, vous auriez vous-même été associé uniquement dans la toute dernière phase du processus.

L’obsession d’éviter des fuites qui aurait été à la base de l’approche « secrète » retenue, n’a pas raison d’être au sein d’une institution qui se doit d’être ouverte, transparente et toujours en mesure de rassurer son personnel et les citoyens européens quant à l’équité et la lisibilité de ses procédures. Notre institution ne peut pas se permettre de donner une image déplorable de son fonctionnement et d’une absence de transparence de ses procédures de nomination et vous conviendrez avec nous qu’il est donc urgent de faire toute la clarté.

2. Pourquoi, à une exception près, ces postes de Directeur général ont-ils été pourvus sans publication préalable d’un avis de vacance et dès lors sans analyse comparative des candidats potentiels ?

Dans votre déclaration à la presse sur ces nominations, vous avez tenu à souligner que : “En nommant les meilleures personnes aux bonnes fonctions, nous sommes déterminés à utiliser la fenêtre d’opportunité qui s’ouvre à nous maintenant pour agir conformément à notre agenda politique ».

Sans mettre en cause les mérites des collègues qui viennent d’être nommés, force est néanmoins de rappeler qu’eu égard à notre statut et aux principes de base de notre fonction publique, seule la publication d’un avis de vacance et des procédures y afférentes permet de garantir l’analyse comparative des mérites des candidats.

Nous souhaitons nous assurer qu’il ne s’agit pas là d’une nouvelle approche visant systématiquement à ne pas publier les postes de Directeur général, évitant ainsi les procédures de sélection habituelles, la publicité et le contrôle juridictionnel éventuel.

3. Quels sont les détails exacts de la procédure ayant permis la nomination du nouveau Secrétaire général ?

S’agissant de la nomination administrative la plus importante au sein de notre institution, il est indispensable et urgent d’assurer la plus grande clarté et de dissiper toutes les critiques, y compris les propos relayés dans la presse, laissant entendre qu’il serait agi là d’un véritable « coup d’état » mené à bien avec un petit groupe « de comploteurs » et avec le silence complice des autres. En particulier, selon cette même presse et ses sources, les règles internes auraient été « malmenées voir délibérément violées ».  Selon ces mêmes informations, n’étant pas éligible pour ce poste, M. Selmayr aurait été, dans la même journée, nommé Secrétaire général adjoint à la suite d’une procédure de sélection, puis muté sur le poste de Secrétaire général suite au départ concomitant de M. Italianer qui souhaitait prendre sa retraite.

Si ces informations devaient s’avérer fondées, vous conviendriez avec nous qu’il s’agit là d’une procédure absolument inédite et tout à fait étonnante qui impose une explication dépassant les clarifications usuelles transmises jusque-là par le service du porte-parole en réaction aux articles de presse et aux questions des membres du Parlement européen qui en sont arrivés à demander une commission d’enquête parlementaire pour faire toute la lumière sur cette nomination.

4. Est-il exact que les trois anciens Directeurs généraux nommés sur des postes de conseillers hors classe ont été informés de la décision de leur retirer leurs responsabilités uniquement le soir à la veille de la réunion du collège et ce sans la moindre communication préalable ?

Il serait inacceptable que ces collègues aient dû subir un traitement brutal aussi irrespectueux alors qu’ils avaient pendant des années accompli leurs missions à la pleine satisfaction de notre institution. Nul ne peut douter qu’un tel procédé est de nature à mettre en cause l’honorabilité de ces trois collègues qu’il convient donc de rétablir sans tarder.

Unum castigabis, centum emendabis ?

Dans ces conditions, vos clarifications sont d’autant plus nécessaires que la presse s’est déjà livrée à imaginer que ces décisions émaneraient en réalité de l’ancien chef de cabinet du président / nouveau Secrétaire général, qui aurait ainsi commencé à façonner la Commission à son idée « en virant des directeurs généraux qu’il n’aimait pas », signal très clair pour instaurer un climat de crainte généralisée absolument inacceptable au sein de notre institution.

Clarifier les processus à la base de ces décisions, rétablir l’honorabilité de nos collègues, démentir avec la plus grande fermeté de telles interprétations, c’est ce que nous vous demandons avec urgence afin de confirmer l’attachement aux valeurs de notre fonction publique et ainsi protéger la crédibilité de notre institution et de ses procédures de nomination.

A cette fin, nous vous demandons une réponse sur tous les points mentionnés dans les meilleurs délais. Il y va de la crédibilité de l’institution aussi bien en interne qu’en externe.

Cristiano Sebastiani

Président

CC :

M. J-C Juncker, Président

Mesdames et Messieurs les Membres du Collège

M. M. Selmayr, Secrétaire général

Mme I. Souka, DG DGHR

MM. C. Roques, L. Duluc DG HR

Personnel de la Commission

Revue de presse:

Libération—28/02/2018: Martin Semayr: « opération nuit et brouillard »

Les Echos.fr  – 27/02/2018 : Ca se passe en Europe : le Machiavel de la Commission met Bruxelles en émoi
Le Monde—27/02/2018 : Polémique autour du parachutage du bras droit de Juncker au sommet de l’administration bruxelloise

Le Soir.Be—27/02/2018 : Le parachutage de Selmayr, bras droit de Juncker, crée la polémique

Liberation—27/02/2018 : Martin Selmayr et les comploteurs de la Commission

Toute l’Europe.eu-27/02/2018 : Commission européenne: nomination controversée de Martin Selmayr au poste de secrétaire général

L’Echo—26/02/2018 : Selmayr, le “Richelieu” de Juncker, provoque le scandale