Le Renard Déchaîné spécial Droit à la déconnexion

Préserver la santé du personnel,

c’est aussi appliquer le Droit à la déconnexion,

en cette période de crise sanitaire !

La Commission de l’emploi et des affaires sociales (EMPL) du Parlement européen a adopté ce mardi 1er décembre (par 31 voix pour, 6 contre et 18 abstentions) le rapport d’Alex Agius Saliba réclamant une directive pour sanctuariser au niveau européen le droit à la déconnexion ! À cet effet, le rapporteur a indiqué :

« Nous sommes dans une situation où la législation a été rédigée à une époque où la numérisation n’occupait pas une place aussi importante dans nos vies… La culture du ‘toujours en ligne’ et l’attente croissante que les travailleurs soient joignables à tout moment peuvent avoir un effet négatif sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, sur la santé physique et mentale et sur le bien-être »

Les Eurodéputés appellent donc la Commission européenne à présenter une directive européenne sur le droit à la déconnexion. Ils soulignent également que ce droit devrait être un droit fondamental et garantir que les travailleurs puissent s’abstenir d’effectuer des tâches liées au travail et de communiquer par voie électronique en-dehors de leur temps de travail sans subir de conséquences négatives. Ils demandent également d’inclure le droit à la déconnexion dans la future proposition de la Commission européenne sur la stratégie santé et sécurité au travail.

Le Droit à la déconnexion : un droit fondamental pour protéger la santé des travailleurs

Le droit à la déconnexion à deux objectifs :

  1. Le droit à la santé
  2. Le droit à l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée

En guise d’exemple, la France a déjà inscrit, le 8 août 2016, ce droit dans le code du travail (article L2242-17§71). En Belgique, une loi assigne aux entreprises l’obligation d’organiser une concertation au sein du Comité pour la prévention et la protection au travail (CPPT) sur le droit à la déconnexion du travail et l’utilisation des moyens de communication digitale.

L’article 153 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) prévoit que l’UE adopte des directives fixant les exigences minimales en matière de conditions de travail… De surcroît, l’article 154 du TFUE établit que les partenaires sociaux doivent être consultés sur les initiatives possibles qui doivent être envisagées au titre de l’article 153 du TFUE.

De plus, l’article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne relatif au « respect de la vie privée et familiale » stipule que « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications ». Par « communications », la Cour de justice considère que tout enregistrement, interception ou saisie des communications d’une personne physique ou morale (sous quelque forme que ce soit, notamment par des écoutes téléphoniques2) constitue une ingérence dans son droit à la vie privée. Cette protection s’étend aux communications privées (y compris les communications envoyées depuis le lieu de travail3, mais aussi celles qui présentent un caractère professionnel ou commercial3.

L’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE relatif à des « conditions de travail justes et équitables » stipule :

  1. « Tout travailleur a droit à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et sa dignité »
  2. « Tout travailleur a droit à une limitation de la durée maximale du travail et à des périodes de repos journalier et hebdomadaire, ainsi qu’à une période annuelle de congés payés »

Qu’en est-il de l’application de ce droit au sein de la Commission européenne en tant qu’employeur et en tant que gardienne des traités ?

En cette période de crise sanitaire, le personnel est contraint de travailler à domicile. Dès lors, une nouvelle culture a vu le jour, celle du « toujours en ligne ».

La DG HR, un pilote qui a décidé de descendre de l’avion?

Malheureusement, nous sommes au regret de constater que la DG HR ne semble toujours pas capable d’assurer la cohérence indispensable des règles mises en œuvre par les nombreux services de notre Institution, permettant ainsi des décisions au niveau le plus décentralisé, sous prétexte qu’ils sont censés « connaître le mieux le staff et les situations particulières ».

Dans ses documents concernant les options futures en matière de télétravail, la DG HR envisage même que chaque DG fixe à sa guise (sic !) les plages horaires et les règles applicables, ce qui est tout simplement inacceptable!

Cette démission du rôle de la DG HR entraîne des applications divergentes des instructions en vigueur, ce qui est d’autant plus inacceptable en pleine pandémie lorsqu’il s’agit de protéger la santé des collègues. 

Des managers à la hauteur de leurs missions…

La grande majorité des managers ont été exemplaires dans la gestion de cette crise en faisant preuve d’empathie et de la plus grande sollicitude envers leur personnel, en reconnaissant pleinement le droit à la déconnexion et en bâtissant ainsi un climat de confiance qui restera à tout jamais acquis.

D’autres ne le sont vraiment pas …

D’autres, malheureusement, en l’absence d’une véritable maîtrise au niveau central, se sentent autorisés à interpréter de manière aussi personnelle que restrictive les instructions en vigueur et aggravent ainsi inutilement, les conditions de travail déjà difficiles des collègues placés sous leur responsabilité.

Du « présentiel à tout prix » à l’obsession de la « connexion permanente »… 

C’est grâce aux prises de positions très claires du Commissaire Hahn, que nous tenons à remercier une nouvelle fois, ayant mis fin à la fuite en avant de la DG HR de passer sans réfléchir à la phase 2, ainsi qu’à des instructions précises et contraignantes en matière d’accès au lieu de travail que les pulsions obsessionnelles pour le « présentiel à tout prix » ont pu être calmées.

Or, tel n’a pas été le cas en matière de droit à la déconnexion pour mettre fin à une autre obsession de la connexion permanente.  

R&D a reçu plusieurs plaintes de collègues, au bord de l’épuisement professionnel, constaté médicalement, suite à une hyper connexion et une sur-sollicitation  au sein de leur service. Plus aucune limite n’est imposée. Les collègues sont contraints de travailler à n’importe quelle heure de la journée jusqu’à tard le soir et même le weekend… dépassant la frontière spatio-temporelle entre la vie professionnelle et la vie privée. Traqués par des petits chefs sans scrupules ayant perdu une partie de leur pouvoir de domination avec cette crise, frustrés par l’impossibilité de contraindre les collègues à rentrer au bureau, ils n’hésitent pas à recourir à une politique de contrôle souvent à la limite de l’obsessionnel…en laissant même planer le doute sur les conséquences potentielles sur l’exercice annuel d’évaluation et de promotion.

Le personnel n’a pas muté en une espèce hybride, mi-homme, mi- robot !

Le personnel est humain par définition et, à ce titre, a besoin de temps de repos, d’instants de convivialité avec ses proches, de loisirs et surtout de sommeil.

Il est temps que la Commission en tant qu’employeur, modèle et moderne, intervienne et veille à la santé et au bien-être de son personnel en prenant des mesures claires à l’encontre de ces excès tout en établissant des règles bien définies qui devront être suivies et appliquées par toutes les DGs, garantissant les exigences minimales relatives aux conditions de travail telles que : le respect de l’équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle en rappelant les limitations existantes du temps de travail journalier.

Le Comité pour la Prévention et la Protection au Travail (CPPT) a son mot à dire…

Le CPPT est habilité à ouvrir une réflexion sur le droit à la déconnexion au travail et l’utilisation des outils de communication digitale.

Les mandatés de R&D, de concert, avec les représentants du personnel siégeant dans ce comité ne manqueront pas d’ouvrir des discussions dans les prochains jours.

Compte tenu de ce qui précède :

R&D s’associe à la demande des Eurodéputés soucieux de la santé des travailleurs de l’UE.

R&D, en tant que premier syndicat de la fonction publique européenne, soucieux de la santé du personnel de l’Institution, demande l’ouverture de négociations sur le droit à la déconnexion au sein des services de la Commission européenne, qui devra être partie intégrante du pilier Workplace and Wellbeing  de la HR Strategy.

D’ici l’ouverture de ces négociations, R&demande :

  • L’obligation d’assurer à tout le personnel le respect de la limitation du temps de travail, des temps de repos et de congés ainsi que le respect de la vie personnelle et familiale
  • La mise en place d’un dispositif de régulation de l’utilisation des outils numériques
  • Le respect des plages horaires fixes déjà d’application durant lesquelles le personnel pourra être joignable :9h30-12h00 et 15h00-16h30 (16h00 le mercredi et vendredi)

Cristiano Sebastiani,

Président