Bruxelles, 22 février 2019

 

Note à l’attention de Monsieur Günther Oettinger

Commissaire en charge du Budget et des Ressources humaines

 

Objet:   Clôture de l’enquête de la Médiatrice européenne concernant la nomination du nouveau Secrétaire général (lire)

Résolution du Parlement européen demandant la démission du Secrétaire général

Réf : Nos communications et notes des 01/06/2018, 26/04/201823/03/2018, 28/02/2018

 

Rappel des faits

Concernant la procédure de nomination du nouveau Secrétaire général, force est de rappeler une nouvelle fois que c’est avec une profonde conster­nation que le personnel a pris connaissance de l’avalanche d’articles d’une presse indignée (cfr. revue de presse annexée à nos notes), du climat hou­leux lors de votre audition au PE (Politique d’intégrité de la Commission, voir la vidéo), des quelques 200 questions que la COCOBU (lien) a adres­sées à la Commission, de la résolution accablante votée par la plénière du PE le 18 avril 2018 (lire) et, pour couronner le tout, de l’ouverture d’une enquête par la Médiatrice européenne, Mme O’Reilly.

Le 31 août 2018, dans un rapport d’enquête qui restera dans les annales, la Médiatrice avait déjà mis en exergue quatre occurrences de mauvaise administration dans l’organisation de cette procédure de nomination (lien) en constatant que notre institution n’avait manifestement pas « suivi correctement les règles pertinentes ni dans la lettre ni dans l’esprit ». 

Une stratégie de « bunkerisation » intenable doublée d’une communication totalement à côté de la plaque qui auront fait le jeu de toutes les pulsions eurosceptiques en faisant croître la colère du Parlement européen et de tous les observateurs

A cet égard, nous avions déjà souligné maintes fois l’urgence pour la « Commission de la dernière chance » de reconnaître l’ampleur des difficultés et répondre à ces interrogations sans complaisance, en abandonnant sans détours sa stratégie de communication désastreuse de déni de réalité et à banaliser, en le relativisant, ce qui était devenu entretemps impossible de continuer à nier.

Il est à noter que cet appel de R&D est parfaitement en phase avec les conclusions de la Médiatrice :

« les communications de la Commission sur ce sujet qui soulevait des préoccupations valables étaient défensives, évasives et par­fois même combatives ».

Mais c’est en vain que nous avions attiré votre attention sur le fait que cette stratégie de « bunkerisation » de communications désastreuses aurait eu pour effet d’exaspérer davantage tous ceux, de tous bords, qui avaient eu à déplorer les défaillances de cette procédure de nomination.

Tout comme nous avions appelé notre institution à faire enfin preuve d’une volonté sincère de collaboration avec les autres institutions, la presse, son personnel et ses représentants en fournissant enfin des réponses crédibles et détaillées aux questions légitimes qui lui étaient posées.

Et nous avions conclu en confirmant qu’un tel changement d’attitude radical constituait la seule voie utile et digne qui s’offrait à cette Com­mission de la dernière chance si elle souhaitait sincèrement regagner la confiance en tant que gardienne du statut…

Votre réaction suite à la publication du rapport de la Médiatrice

Or, tout au contraire, votre réaction du 30 octobre 2018 s’est avérée dans la droite ligne d’approche initiale, critiquable en tous points et critiquée de toutes parts.

En effet, et bien que la Médiatrice avait confirmé et motivé son point de vue sur la procédure de nomination de M. Selmayr qui : 

« n’a pas suivi correctement les règles pertinentes ni dans la lettre ni dans l’esprit ».

Vous avez préféré interpréter ses propos pour lui faire dire ce qu’elle ne dit pas, en déclarant sur un ton triomphal que :

« La Commission se félicite que la Médiatrice ne conteste ni la légalité de la procédure de nomination du secrétaire général ni le choix du candidat ».

La réponse de la Commission du 3 décembre dernier … sur l’air bien connu de « tout va très bien, Madame la Médiatrice, tout va bien, tout va très bien… »

Le 3 décembre dernier, notre institution a répondu sur plusieurs dizaines de pages au rapport de la Médiatrice (lien) en ressassant toujours le même refrain arrogant d’une procédure de nomination absolument incontestable qui aurait respecté « religieusement la lettre et l’esprit du statut » … en obte­nant l’effet d’irriter plus encore le Parlement.

La résolution du Parlement européen du 13 décembre dernier invitant M. Selmayr « à démissionner de son poste » (lien)

En réaction au déni de réalité de la Commission, par sa résolution du 13 décembre dernier, adoptée à une écrasante majorité (385 voix pour, 15 contre, 135 abstenus), le Parlement européen durci le ton et en arrive à inviter « M. Selmayr [à] démissionner de son poste de secrétaire gé­néral de la Commission » au motif que « la Commission n’a pas suivi correctement les règles applicables, tant dans la forme que dans l’es­prit », ni respecté « les principes de transparence, d’éthique et d’état de droit ».

Alors que se profilent pour 2019 des échéances politiques majeures pour l’Union européenne, avec la montée des pulsions eurosceptiques et euro­phobes, la Commission a préféré faire un bras d’honneur à son principal partenaire institutionnel avec les conséquences qui étaient facilement prévi­sibles.

On s’en convaincra aisément en rappelant ici la résolution du Parlement:

«(…)    considérant que la Médiatrice a mené une enquête sur la façon dont Martin Selmayr, qui était à l’époque chef de cabinet du président de la Commission, a été nommé secrétaire général de la Commission; que, comme l’a souligné la Médiatrice, la Commis­sion a créé un sentiment d’urgence artificiel pour pourvoir le poste de secrétaire général afin de justifier l’absence de publication d’un avis de vacance, et a organisé une procédure de sélection d’un secrétaire général adjoint non pas pour pourvoir directement ce poste, mais pour nommer M. Selmayr secrétaire général en suivant une procédure rapide à deux étapes; que la Médiatrice a constaté quatre cas de mauvaise administration dans la nomination de M. Selmayr du fait que la Commission n’a pas suivi correctement les règles applicables, tant dans la forme que dans l’esprit;

22.  estime que la Commission n’a pas respecté les principes de transparence, d’éthique et d’état de droit dans la procédure qu’elle a utilisée pour nommer Martin Selmayr en tant que nouveau secrétaire général; déplore vivement la décision de la Commission de con­firmer M. Selmayr comme étant son nouveau secrétaire général malgré les nombreuses critiques émises par les citoyens de l’Union et le préjudice que cela cause à la réputation de l’Union dans son ensemble; souligne que M. Selmayr doit démissionner de son poste de secrétaire général de la Commission, et invite la Commission à adopter une nouvelle procédure pour désigner son secrétaire gé­néral en garantissant l’application des normes les plus élevées en matière de transparence, d’éthique et d’état de droit »

Vous n’êtes pas sans savoir que cette résolution a été adoptée à une écrasante majorité et même le groupe du PPE ne s’est pas opposé à cette réso­lution. Il devient dès lors impossible de continuer avec le refrain que les critiques émaneraient uniquement des forces hostiles au projet européen et d’une presse malveillante.

Le 9 février dernier la Médiatrice rappelle alors le vote du Parlement qui réclame la démission de M. Selmayr, constate non sans amertume, l’inanité des réponses formulées par la Commission et confirme les conclusions de son rapport sans changement.

La Commission « de la dernière chance » première responsable d’une crise politique et de crédibilité absolument inédite !

Tous les observateurs s’accordent à considérer que ce sont avant tout les prises de position irréfléchies de la Commission niant des problèmes pour­tant évidents dans cette procédure de nomination qui ont provoqué une crise politique d’une ampleur jusque-là inédite.

D’une part, les responsabilités du Secrétaire général sont désormais assumées par un collègue dont, aussi brillant et capable soit-il le législateur de­mande la démission.

D’autre part, comme si cela n’était pas assez, les responsabilités de Chef de cabinet du Président sont à présent assurées par une collègue qui a par­ticipé à la procédure de sélection du Secrétaire général adjoint, procédure qui comme le Parlement et la Médiatrice l’indiquent « en violation de l’article 4 du statut a été détournée de ses finalités et ne répondait pas a? son objectif déclaré – pourvoir le poste vacant – mais était là de façon à ce que M. Selmayr puisse être réaffecté en tant que secrétaire général ». Elle avait en effet présenté une candidature tellement sui generis que comme constaté par la Médiatrice une note de la DG HR du 20 février initiée à 13h23 et finalisée à 14h45, décrit M. Selmayr comme secrétaire général-adjoint alors qu’en tant que seule autre candidate pour le même poste elle ne s’est retirée du processus qu’à 14 h 58!!!

Et comme si ce n’était pas encore assez tous les observateurs s’accordent à constater qu’une confusion croissante s’est installée au sujet du partage des responsabilités et de l’interaction entre ces deux postes.

Il est en effet crucial de rappeler le rôle et les missions du Secrétaire général de notre fonction publique en tant que garant in fine de l’indépendance de l’administration de notre institution et du respect du statut. Ainsi, s’il est nécessaire que le Secrétaire général bénéficie de la confiance du Président de la Commission en exercice, il est tout aussi indispensable d’éviter toute confusion des genres entre ces tâches administratives et l’activité typique­ment politique d’un Chef de Cabinet du Président.

Comme la Médiatrice l’indique à très juste titre : « Bien entendu, il appartient au président d’organiser son propre cabinet et de préciser ses liens avec le secrétaire général. Toutefois, il s’agit de rôles distincts, qui devraient le rester ».

La Commission européenne est la gardienne de notre statut et non pas le règne du Prince de Machiavel où « la fin justifie les moyens » !

Le fait que comme la Médiatrice le rappelle à très juste titre « les compétences et l’attachement à l’Union européenne de M. Selmayr ne sont pas ici en cause » rend la gestion de ce dossier assurée par notre administration encore plus irresponsable et la panoplie d’anomalies constatées par la Média­trice absolument incompréhensibles ! 

En effet, tout a été organisé et géré dans le plus grand secret, en mettant en cause la collégialité des travaux de la Commission, dans la précipitation avec une panoplie de maladresses…pour nommer à tout prix et « coûte que coûte » M. Selmayr en donnant ainsi l’impression qu’on craignait que sa candidature n’aurait pas pu être retenue dans le cadre d’une procédure « normale ». 

 « Commission de la dernière chance » ou dernière chance de la Commission ?

Compte tenu de ce qui précède, nous ne pouvons que demander que notre institution fasse enfin preuve de bon sens en acceptant les re­commandations de la Médiatrice et du Parlement européen concernant la procédure à suivre pour recruter à l’avenir son Secrétaire général à savoir :

  • ·           nomination spécifique distincte des autres nominations,
  • ·           des règles claires et transparentes,
  • ·           la publication obligatoire d’un avis de vacances, afin de permettre à toute personne intéressée et qualifiée de participer,
  • ·           l’élargissement du Comité Consultatif des Nominations à des membres externes à l’institution,
  • ·           une information préalable complète, motivée et accessible aux autres membres du Collège reprise à l’ordre du jour préalablement à prise de décision afin de garantir la nature collégiale de la décision de nomination.

En un mot: tout l’inverse de ce qui a été fait il y a un an presque jour pour jour !

Le Collège passe mais le personnel reste et paye l’addition !

Il est évident que les conséquences de la gestion calamiteuse de ce dossier par le Collège, tout comme d’ailleurs celle des affaires Barroso et Kroes (lien), continueront à être payées et alimenteront sans nul doute les attaques que l’institution mais aussi son personnel subissent depuis trop long­temps.     

De notre part nous ne pouvons que répéter que les citoyens européens, mais aussi notre personnel, ont urgemment besoin d’une Commis­sion parfaitement intègre, pleinement responsable et authentiquement sincère en toutes circonstances… et tout particulièrement dans ses relations avec les autres institutions et dans sa communication!

 

Cristiano Sebastiani,

Président

 

Copie:

M. J-C Juncker – Président

Mesdames et Messieurs les membres du collège

M. M. Selmayr – Secrétaire général

Mme E. O’Reilly – Médiatrice européenne

Mme I. Souka, M. H. Post – DGHR

MM C. Roques, L. Duluc – DG HR

Le Personnel