Bruxelles, le 13 février 2019

Note à l’attention de

M. J-C Juncker, Président de la Commission européenne

et

M. Martin Selmayr, Secrétaire général de la Commission européenne

 

Objet :         Avis unanime du Comité Central du Personnel du 9 janvier dernier demandant de procéder à la publication d’un nouvel avis de vacance pour la nomination du Médiateur et d’ouvrir une concertation avec les OSP afin d’analyser les mesures permettant enfin à ce service d’accomplir ses missions

Réf :             Notre note à votre attention en date du 5 décembre 2018 concernant la décision de la DG HR de « ressusciter » l’ancienne procé­dure organisée en 2016 au lieu de procéder à une nouvelle publication

Arrêt du Tribunal T-688/16 du 22 novembre 2018 annulant la nomination du Médiateur

 

Faisant suite à l’arrêt T-688/16 du 22 novembre 2018 (lire) annulant la nomination du Médiateur, s’agissant d’un poste au sein de l’organigramme du Secrétariat général et dont la nomination incombe au Président de la Commission, par notre note sous objet (lire) nous avions sollicité votre intervention pour que la nouvelle procédure de nomination du Médiateur soit enfin une procédure exemplaire.

Nous avions rappelé que selon l’unanimité des experts, une véritable stratégie de lutte contre le harcèlement ainsi qu’une gestion efficace des conflits imposent, tout d’abord, la mise en place d’un véritable service de Médiation professionnelle.

D’une part, afin que notre institution se dote enfin d’un véritable service de Médiation à la hauteur des attentes du personnel, en concertation avec des spécialistes externes, R&D avait formulé des propositions opérationnelles (cfr lien).

D’autre part, il n’est pas nécessaire d’être expert pour saisir que le Médiateur doit être doté de ressources adéquates et pouvoir faire appel à des procédures susceptibles de lui permettre d’accomplir ses missions.

Il doit également pouvoir répondre, à tout moment, aux principes de neutralité, d’impartialité, d’indépendance et de confidentialité et que son service soit perçu comme les respectant pleinement, et ceci, dès la procédure de nomination.

L’indépendance du Médiateur : un préalable indispensable 

Comme le rappelle la Médiatrice européenne à très juste titre, lorsqu’il est question d’assurer l’indépendance d’un service, il est non seulement important d’établir un cadre juridique approprié mais aussi de faire en sorte qu’il apparaisse comme étant véritablement indépendant.

C’est justement pour qu’il soit indépendant, avant tout, de la DG HR et qu’il apparaisse en tant que tel, que la Commission a décidé d’inclure le poste de Médiateur au sein de l’organigramme du Secrétariat général et non de celui de la DG HR, que la nomination est décidée par le Président et que le Comité du personnel est appelé à émettre un avis dans le cadre de la procédure de nomination.

« Les exploits » répétés de la DG HR

Hélas, force est de rappeler que depuis toujours la DG HR semble ne pas comprendre à quel point certaines approches sont de na­ture à affaiblir le rôle et la perception de l’indépendance du Médiateur.

Ceci tant par le biais de dysfonctionnements répétés dans la procédure de nomination (cfr lien) que par un manque de ressources chroniques ne permettant d’aucune manière à ce service d’accomplir ses missions.

En particulier, les « exploits » répétés de la DG HR concernant la nomination du Médiateur sont autant surprenants qu’inquiétants. 

En effet,

  • ·    en essayant d’abord en 2013 de désigner le Médiateur eu égard à l’article 7 du statut sans publication et par simple mobilité interne,
  • ·   en gardant le poste vacant pendant 3 ans et demie (sic !),
  • ·   en requalifiant soudainement le poste au rang de conseiller principal (AD 14-15) sans nullement se soucier du manque de ressources mises à disposition,  
  • ·   en publiant enfin en 2016 un avis de vacance en ne retenant qu’un seul candidat excluant même la collègue ayant assuré ces missions pendant 3 ans et demie de la « short list »,
  • ·   en privant de tout effet utile la consultation du Comité du personnel en la limitant au seul candidat retenu,
  • ·  en procédant ainsi illégalement à la nomination du Médiateur comme l’arrêt du Tribunal susmentionné le confirme,

La crédibilité et l’indépendance du service du Médiateur ont été profondément mises en cause.

Or, il ne fallait pas disposer de capacités divinatoires pour savoir quelle aurait été l’attitude de la DG HR dans la mise en œuvre de cet arrêt.

La DG HR toujours fidèle à elle-même : tout peut changer mais le résultat doit rester tel quel !  

Il faut reconnaitre la cohérence de l’approche.

En effet, il ne faut pas oublier que la DG HR se prend désormais comme étant le seul dépositaire de la connaissance du statut et de ses procédures d’application, elle est de plus hautaine et allergique à la moindre critique et ne tolère aucune intervention externe qu’il s’agisse de la représentation du personnel, de la Médiatrice européenne, du Parlement européen, de la presse…et aussi du Tribunal …tout le monde se trompe et n’a pas bien compris… c’était bien le cas pour la gestion calamiteuse de la mise en œuvre de l’article 42 quater du statut qu’elle a assuré et il a fallu l’intervention du Tribunal pour arrêter ces dérives (lien).

Dans le cadre de la procédure de nomination du Médiateur, il n’a pas été difficile de deviner que la seule mesure d’exécution de l’ar­rêt que la DG HR aurait été prête à envisager était la « résurrection » de la procédure lancée en 2016, en se refusant de procéder à une nouvelle publication de l’avis de vacances.

En effet, si l’on croit que :

  • comme toutes les autres, la procédure annulée était irréprochable et comme toujours et par définition religieusement respec­tueuse de la lettre et de l’esprit du statut et de ses règles d’application,
  • les critiques de R&D et du CCP étaient dépourvues de tout fondement (lien),
  • comme tous les arrêts favorables pour le personnel, l’arrêt du Tribunal annulant la procédure de nomination du Médiateur a été le fruit d’un malentendu, d’un excès de zèle de quelques juges trop sensibles aux raisons des OSP, de l’incapacité de l’institution de bien défendre ses raisons…

Si tout cela devait même en partie être vrai… la seule option que la DG HR pouvait envisager est bel et bien de ressusciter l’an­cienne procédure, de saisir le CCP dans l’espoir de recueillir un avis confortant l’approche retenue… et puis dans tous les cas et quoi qu’il arrive de confirmer le résultat de la procédure annulée.

L’avis unanime du Comité du Personnel demandant à son tour de procéder à une nouvelle publication de la pro­cédure

Or, lors de sa réunion extraordinaire du 9 janvier dernier, loin d’avaliser l’approche de la DG HR, après avoir procédé à l’analyse des candidatures transmises et aux auditions y afférent, le Comité Central du Personnel a émis à l’unanimité un avis demandant de procéder sans tarder à une nouvelle publication de l’avis de vacances pour le poste de Médiateur et d’ouvrir également une concertation avec les OSP afin d’analyser les mesures permettant enfin à ce service d’accomplir ses missions.

La réaction prévisible de la DG HR : tout peut changer mais le résultat doit rester tel quel !

Il est très facile de deviner que pour la DG HR rien ne change : il s’agit là d’un simple avis consultatif qui n’est nullement de nature à remettre en cause l’approche retenue.

En effet, dans la logique de la DG HR tout confirmer sans rien changer c’est la seule option susceptible de faire comprendre une fois pour toutes aux esprits critiques que cela ne sert à rien de contester… ni même de gagner un recours au Tribunal et que l’avis du CCP est une étape inutile car la représentation du personnel joue le rôle de simple figurant !  

La DG HR ne peut d’aucune manière invoquer des arguments juridiques à l’appui de la décision de ressusciter l’ancienne procédure : c’est la DG HR elle-même qui le confirme

Comme déjà lors de l’organisation de la procédure qui a été annulée par le Tribunal, essayant de maîtriser ses pulsions et ne sou­haitant pas afficher ouvertement son mépris pour le dialogue social et donc pour l’avis du CCP… il est à prévoir que la DG HR in­voque une nouvelle fois de prétendues raisons juridiques pour justifier que la résurrection de l’ancienne procédure serait la seule mesure d’exécution de l’arrêt possible. Qui sait, peut-être en repêchant une nouvelle fois dans un tiroir un ancien avis du Service Juridique…

Or, en l’occurrence comme l’analyse juridique, reprise en annexe, le confirme, ce n’est pas seulement la jurisprudence mais aussi la DG HR elle-même qui confirment que l’AIPN peut parfaitement procéder à une nouvelle publication de l’avis de vacances dans l’intérêt du service pour élargir ses possibilités de choix.

Qui plus est, s’agissant du poste du Médiateur il est évident que c’est la seule solution permettant de défendre la crédibilité et la per­ception de l’indépendance de ce service.

S’agissant néanmoins d’un poste au sein de l’organigramme du Secrétariat général et d’une nomination du Pré­sident, nous faisons appel entre autres à votre attachement au dialogue social

Compte tenu de ce qui précède, nous vous demandons:

  • de prendre en compte notre demande ainsi que l’avis unanime du Comité Central du Personnel, d’assurer la trans­parence de cette procédure de nomination et le choix, le plus large, du meilleur candidat en publiant un nouvel avis de vacance de ce poste ;
  • de retenir dans le cadre de cette nouvelle procédure pour ce poste hautement spécialisé les suggestions tant du PE que  de la  Médiatrice européenne d’associer des experts externes dans le domaine de la médiation ;
  • de doter enfin ce service de ressources indispensables à son bon fonctionnement et lui permettant enfin de ré­pondre aux attentes du personnel.

Nous tenons à préciser, qu’il ne s’agit nullement de mettre en cause les mérites des collègues ayant déposé une candidature en 2016 ni ceux du collègue ayant accompli ces tâches jusqu’à présent.

Il s’agit uniquement de rappeler une fois de plus que la transparence de la procédure de nomination et l’intervention du Comité du personnel sont des préalables indispensables et des éléments essentiels car ils contribuent à la perception d’indépendance du Mé­­diateur et répondent avant tout à l’intérêt du-de la candidat-e retenu-e in fine.

Un changement radical s’impose et non pas une nouvelle profusion de slogans vides, un nouveau recueil de bonnes inten­­tions… et encore moins un nouvel exploit dans la mise en œuvre de cette procédure de nomination…

 

Cristiano Sebastiani

Président

 

Copies :

Mme C. Martinez, Chef de cabinet du Président

M. G. Oettinger, Commissaire en charge du Budget et des Ressources humaines

Mme I. Souka, DG HR

M.  L. Romera Requena, DG SJ

Mme E. O’Reilly, Médiatrice européenne

Mme I. Graessle, Présidente commission CONT PE

Le Personnel

 

Annexe:

Analyse juridique

La DG HR ne peut d’aucune manière invoquer des arguments juridiques à l’appui de la décision de ressusciter l’ancienne procédure : c’est la DG HR elle-même qui le confirme

A cet égard, il suffit de rappeler la position de la DG HR lors de ses réponses suite à des réclamations introduites dans des situations comparables, à savoir que con­formément à la jurisprudence en la matière :

“(…) dans l’hypothèse ou une procédure de recrutement a été annulée par le juge de l’Union, l’arrêt d’annulation ne peut, en aucun cas, avoir d’inci­dence sur le pouvoir discrétionnaire de l’administration d’élargir ses possibilités de choix dans l’intérêt du service en retirant l’avis de vacance initial et en ouvrant corrélativement une nouvelle procé­dure de pourvoi du poste litigieux (mutatis mutandis arrêt Menidiatis/Commission, EU:F:2012:89, point37).”

Qui plus est même à considérer que l’arrêt n’aurait été annulé que partiellement – quod non – la procédure de nomination de l’époque, tout comme le Tribunal l’a rappe­lé dans son arrêt Angelidis/Parlement, F-104/08 :

« 42  Or, selon une jurisprudence bien établie, l’AIPN n’est pas tenue de donner suite à une procédure de recrutement engagée en application de l’ar­ticle 29 du statut (arrêt Dehon/Parlement, précité, point 49). 

Ce principe demeure applicable même dans l’hypothèse où, comme dans la présente espèce, la procédure de recrutement a été partiellement annu­lée par le juge. 

Il en résulte que l’arrêt Angelidis ne pouvait, en aucun cas, avoir d’incidence sur le pouvoir discrétionnaire de l’AIPN d’élargir ses possibilités de choix dans l’intérêt du service en retirant l’avis de vacance initial et en ouvrant corrélativement une nouvelle procédure de pourvoi du poste litigieux (arrêts Hochbaum/Commission, précité, point 15, et Moat/Commission, précité, points 38 et 39). Dès lors qu’elle n’était pas tenue de donner suite à la procédure de recrutement initiale, l’AIPN pouvait, à plus forte raison, ouvrir une nouvelle procédure de recrutement sans être tenue de reprendre la procédure de recrutement initiale dans son état avant l’adoption de l’acte illégal.

43   Par conséquent, le Parlement avait le droit, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, d’élargir ses possibilités de choix dans l’intérêt du service en retirant l’avis de vacance d’emploi initial et en ouvrant corrélativement une nouvelle procédure de recrutement.

44   Il convient de relever que le requérant n’a nullement établi, ni même cherché à établir, que les qualifications et connaissances requises dans le nouvel avis de vacance n’étaient manifestement pas appropriées au regard de l’intérêt du service.

45   Par ailleurs, le fait que le Parlement n’a pas formellement mis un terme à la procédure de recrutement initiale avant d’ouvrir une nouvelle procé­dure n’est pas de nature à modifier l’analyse qui précède, la décision de publier le nouvel avis de vacance d’emploi pour le poste litigieux impliquant nécessairement l’abandon de la procédure initiale (arrêt Dehon/Parlement, précité, point 47) ».