Bruxelles, le 29 novembre 2018

Lettre ouverte à l’attention de M. Martin Selmayr,

Secrétaire général de la Commission européenne

 

Objet : Démission du Directeur DG GROW I en charge de l’Espace, Corpernicus et la Défense faisant état « d’un manque de confiance et d’une méconnaissance absolue des dossiers qui ont conduit aux récentes décisions intervenant dans le domaine essentiel de la sécurité »

 

Voilà qui n’est pas nouveau: déjà par le passé nous avions dû mettre en exergue les difficultés auxquelles les collègues de la DG GROW étaient confrontés.

 

Une réorganisation mise en œuvre d’une manière désastreuse dont le personnel paie encore les conséquences…

Le 22 avril 2015, le collège, en début de mandat, a adopté une première décision de réorganiser les départements de la Commission afin d’obtenir un meilleur rendement et de bonnes synergies.

L’actuelle DG GROW a été la première Direction générale à faire les frais de cet exercice qui consistait à regrouper la DG ENTR avec la partie services de la DG MARKT, l’unité instruments médicaux de la DG SANTE et le détachement de l’unité Sécurité vers la DG HOME… Cette réorganisation a été orchestrée sans consultation préalable du personnel et sans la moindre information structurée. Les collègues concernés, mis devant le fait accompli, ont été victimes des conséquences d’un manque d’analyse, de décisions irréfléchies ainsi que d’une mauvaise gestion de cette restructuration qui mérite d’être désignée comme étant l’exemple à ne plus jamais suivre.

En réponse à nos démarches étayées par des faits incontestables y inclus les résultats d’une enquête de satisfaction mettant en exergue les problèmes rencontrés par les collègues, la réponse rituelle reçue était que tout allait se résoudre, que les mesures appropriées allaient être mises en place et qu’il ne fallait pas s’inquiéter ( consulter : Survey on staff satisfaction – Reorganisation of DG GROW ;  Survey DG GROW – Final report;  Indicateurs spécifiques tirés des résultats de l’enquête lancée par R&D-Renard Déchaîné, p. 40-41).

Dans ces conditions, il était évident que de telles approches ne pouvaient qu’amplifier la démotivation et susciter la déception des collègues (lire : DG GROW… et les collègues quittèrent la salle).

Néanmoins, il est rassurant de constater, vu l’ampleur des conséquences négatives d’une telle réorganisation tant pour les collègues que pour le bon fonctionnement des services au sein de la DG GROW, que la DG HR a dû proposer de nouvelles règles en la matière justement pour empêcher qu’un tel désastre puisse se répéter à l’avenir.

De ce point de vue, nous saisissons l’occasion pour vous confirmer que nous avons apprécié l’esprit d’ouverture et la volonté de dialogue dont vous avez fait preuve lors de la rencontre avec les OSP pour annoncer et illustrer la réorganisation du Secrétariat Général. Nous avons notamment apprécié votre décision de mettre en place une chambre d’écoute alors que la DG HR l’avait toujours refusée dans le cadre d’une réorganisation touchant une seule DG en invoquant comme toujours des arguments purement bureaucratiques.

 

Le traumatisme découlant de l’acte tragique d’un collègue

Qui plus est, le personnel de la DG GROW a été et reste encore bouleversé par le suicide d’un collègue qui, de l’avis de nombre de collègues, n’était pas dépourvu de lien avec les difficultés parfois graves qu’il avait rencontrées au sein de son service, étant confronté à des « modes de gestion » qui d’après les nombreuses réactions que nous avons reçues semblent parfois encore faire partie de « la culture de service » de certains membres de l’encadrement supérieur de cette DG.

Face aux dispositions mises en place à la suite d’un évènement si terrible, tout en appréciant la sensibilité dont ont fait preuve plusieurs autres membres de l’encadrement de cette DG, les collègues nous ont aussi fait part de leur conviction qu’aucune mesure concrète n’aurait été prise au niveau de la DG et qu’il s’agissait là, avant tout, de mesures visant à « calmer le jeu » sans pour autant s’attaquer aux véritables problèmes de fond car de toute évidence certains « avatars » restaient intouchables.

De manière générale, s’il est rassurant de constater les améliorations obtenues au sein de plusieurs services de cette DG, à maintes reprises nombreuses et nombreux sont les collègues qui nous ont signalé être encore et toujours appelés à accomplir leurs tâches en étant de concert avec leurs chefs d’unité et parfois aussi avec leurs Directeurs, confrontés à des instructions divergentes, à des approches politiques contradictoires, à des aller-retour plus que pénibles des dossiers, ne sachant plus in fine qui décide quoi et à quel niveau et …à quel étage du Berlaymont.

 

La démission du Directeur en charge de l’espace, Corpernicus et la défense

Comme si cela ne suffisait pas, alors que l’Europe de la défense fait l’objet de toutes les attentions au sein de l’Union européenne avec le lancement d’une nouvelle structure de coopération et que les réactions politiques au plus haut niveau, y compris outre-Atlantique, ne cessent de rappeler l’importance et la sensibilité du sujet, nous apprenons que le Directeur en charge de l’espace, Corpernicus et la défense vient de démissionner en demandant d’être affecté sans délai à des tâches hors encadrement !

Désirant couper court à toute rumeur et par devoir de transparence, il a fait part de son impossibilité de continuer d’exercer ses fonctions en raison d’un manque de confiance et d’une méconnaissance absolue des dossiers qui ont conduit aux récentes décisions intervenant dans le domaine essentiel de la sécurité !

Il remercie ses collaborateurs pour les réalisations importantes de sa direction, d’autant plus appréciables compte tenu des contraintes et des embarras que l’on a eu de cesse d’opposer avant de rendre hommage à l’engagement de ses équipes et de reconnaître le fruit de leur travail.

Il est même inutile de confirmer que dès l’annonce de cette décision nous avons été interpelés tant par les collègues que par des acteurs externes nous confirmant le malaise profond au sein de ces services, demandant que toute la lumière soit faite sans tarder notamment sur les aspects invoqués comme étant à la base de la décision de notre collègue. Ceci tout en confirmant leur conviction qu’à nouveau la DG GROW se serait limitée à essayer de « calmer le jeu » pour une nouvelle fois éviter de s’attaquer aux « avatars » susmentionnés .

 

Face à la gravité de cette démarche et des raisons invoquées pour la motiver, iI faut que toute la clarté soit faite sans tarder et nous n’avons aucune confiance que la DG GROW ait la moindre intention de le faire !

En effet, comme il était facile de le prévoir et fidèle à sa pratique consolidée, il apparaît que la DG GROW envisage d’ores et déjà une nouvelle fois de recommencer avec sa stratégie aussi rituelle que pénible visant une nouvelle fois à nier la portée de cette décision, à essayer comme bon lui semble de la justifier par des motivations purement personnelles de la part de notre collègue, par ses prétendues attentes d’avancement de carrière en jetant le discrédit afin de réduire l’impact de ses prises de positions et en évitant d’aborder les dysfonctionnements très graves dont il fait état. Bref, à continuer comme si de rien n’était en espérant que les choses se calment!  

Or, tant les citoyens que le personnel sont en droit de connaître les véritables raisons qui ont poussé un collègue responsable de dossiers d’une telle importance, disposant d’une aussi longue et solide expérience au sein de notre institution dans plusieurs services et à tous les niveaux de l’encadrement aussi politique en tant que chef de cabinet, de se retrouver dans une situation de porte à faux si grave, mettant en cause ses compétences et son sens de l’intérêt général, à un tel point qu’il soit obligé de se retirer.

Nous savons tous que la politique de défense est en grande partie une compétence nationale et que, si une intensification de la coopération est observée, les divergences entre les Etats membres sur ces sujets demeurent fortes et que les intérêts géopolitiques sont trop divergents pour permettre une intégration stratégique plus complète.

Et pourtant des décisions ont été prises et s’imposent à la Commission.  Nous ne pouvons rester sans réaction et sans explication sur ces événements qui remettent en cause la défense de l’intérêt général qui incombe à la Commission européenne.

Dès lors, nous vous demandons en tant que Secrétaire général de notre institution chargé de veiller à la coordination mais aussi au bon fonctionnement des services, de charger les services compétents de faire toute la clarté par le biais d’une investigation formelle sur cette affaire portant sur les dysfonction­nements graves dont notre collègue a fait état pour motiver sa démission et devant fournir une réponse claire notamment aux questions suivantes 

1. Y a-t-il eu des pressions de lobbyistes ou d’Etats membres et sur quels dossiers?

2. Qui au sein de la DG GROW n’aurait eu de cesse d’opposer des contraintes, des embarras ?

3. Qui a pris in fine les décisions en la matière et notamment dans le domaine essentiel de la sécurité quelles en sont les conséquences?

 

Nous tenons à vous assurer que nous n’allons pas accepter qu’une nouvelle fois tout se solde par une énième réponse générique et faussement rassurante sans qu’on ne s’attaque enfin aux dérives de cette DG et notamment aux « avatars » jusque-là intouchables.

Un changement radical s’impose et non pas une nouvelle profusion de slogans vides et un nouveau recueil de bonnes intentions.

Cristiano Sebastiani

Président

 

Copies :

M. J-C Juncker, Président de la Commission européenne, Mme C. Martines Chef de cabinet du Président

Mme E. Bie?kowska Commissaire en charge du Marché intérieur, de l’Industrie, Entrepreneuriat et PME

M. G. Oettinger, Commissaire en charge du Budget et des Ressources humaines

Mme L. Evans, M. P. Delsaux,  DG GROW

Mme I. Souka, DG HR

M. V. Itala, OLAF

Mme  K. Williams, Directeur IDOC

Le Personnel